Prepare for trouble ! Make it double ! ∞ jeremiah/elliot

"Non mais c'est pas possible !" pesta Elliot alors qu'il comptait les quelques pièces de monnaies qu'il avait trouvé dans le fond de sa poche. Il pesta d'ailleurs surement trop fort, une passante de pré-au-lard se retournant, les yeux exorbités, pour voir de quel individu venait cette exclamation soudaine. Le jeune sorcier ne réalisa même pas qu'il pouvait avoir l'air intriguant alors que, en pleine rue, il semblait compter sa maigre fortune. Il faisait d'ailleurs peine à voir, avec ses cheveux roux décoiffés et sa mine renfrognée, alors qu'il grelottait dehors, le vent s'insinuant sous son écharpe. Recomptant une seconde fois, il dû malheureusement se rendre à l'évidence. Une nouvelle fois, il était fauché. Hors de question d'aller demander de l'aide à ses parents, il avait déjà quémandé deux fois ce mois ci, à chaque fois en ajoutant à la fin de ses lettres des mots doux afin de les attendrir. Battre un petit de septième année aux échecs lui avait permis de récolter deux gallions, mais mystérieusement, il n'avait déjà plus qu'une quarantaine de mornilles. Mais quelle idée avait-il eut de vouloir acheter des bonbons à hoquet au magasin d'à côté ? Elliot Millard, vingt et un ans, et l'âge mental d'un adolescent. Il secoua la tête, peu fier de lui. C'était promis, craché, juré, désormais, il économisait, bougre d'hippogriffe ! Replaçant ses sous dans sa poche, il leva les yeux. Tiens, il était juste devant les Trois Balais. On était samedi, en fin d'après midi, et il était devant les Trois Balais. Certes, il n'avait personne avec lui, Charles ayant prétexté devoir - encore - travaillé, bien qu'Elliot n'était pas dupe de cette excuse bien trop facile. Ainsi livré à lui-même, il n'avait rien fichu de l'après-midi, si ce n'est, bien sûr, acheter des bonbons à hoquet, ce qui est par ailleurs une activité tout à fait respectable.
Il maugréa, se demandant bien ce qu'il pouvait faire. Alvira ? Elliot se rappela qu'elle avait mentionné un dîner entre filles. Declan ? Ah, oui, Declan et lui étaient en froid. Felicia ? Elle devait encore traîner avec Rose et Neela. Mince, c'était à croire que lui, Elliot Millard, préfet de gryffondor, allait passer son samedi soir seul. Que nenni ! Ce n'était jamais arrivé, et aujourd'hui était un 'jour de chance et de bonheur', selon son horoscope de ce matin, qu'il avait lu dans la Gazette du sorcier. Les horoscopes disaient toujours la vérité, non ?
C'est à ce moment précis que Elliot l'entraperçu, là, juste derrière la vitre des Trois Balais. Au début, il cru à un mirage. C'était trop beau pour être vrai. C'était définitivement son jour de chance. Alors qu'il remerciait le Dieu du Quidditch en silence, un atroce plan se monta dans l'esprit du rouquin avec la rapidité d'un attrapeur un jour de coupe du monde de Quidditch. Avec un sourire aux lèvres, il poussa la porte d'entrée du pub, et, essayant de cacher son enthousiasme, se rendit vers le bar. Il fit signe à Owen de venir, et tenta d'attendre patiemment, mais c'était impossible, alors il commença à tapoter sur le bar, ses doigts heurtant le bois dans un tempo régulier. Le serveur, sentant qu'Elliot n'était pas en mesure d'attendre plus longtemps sinon quoi il allait se rouler par terre, se hâta d'apporter sa commande et se rendit vers le jeune sorcier. "Elliot, qu'est ce qui t'amène ?" lui demanda-t-il, un sourire léger sur les lèvres. "Hey Owen, ça va ?" Cette question était une simple formalité bien sûr, et Ely ne laissa pas une seconde à ce cher Owen pour qu'il réponde. "Bon, en fait, il me faudrait deux bierraubeurres. Et, aussi, ces petits bonbons, tu pourrais les mettre dans une petite coupelle, et nous l'apporter, au lieu des apéritifs habituels ? Et fais vite, s'il te plait, car..." Aucune chance de finir sa logorrhée, quand bien même il tentait de glisser discrètement les bonbons à hochet à son ami. "Stop, Elliot. Est-ce que tu vas me payer, cette fois ?" demanda Owen, haussa un sourcil. Faisant mine d'être outré, le rouquin hocha la tête, tout en balançant les bonbons derrière le bar. Il jeta un regard en arrière, ouf, personne ne l'avait vu passer le paquet au barman. "Owen ! Allons, tu me connais ! Bien sûr !" Il lui sourit pour le rassurer, ses yeux pétillant. Cependant, il fallait plus que la tête d'ange d'Elliot pour convaincre le serveur habitué des frasques de l'élève. Résigné, Ely finit par fouiller dans ses poches à nouveau, et finir par poser les quelques mornilles sur la table. "Tiens, sale gobelin." souffla-t-il, un peu à regret de voir le reste de sa fortune partir. Cependant, il était persuadé que cela valait le coup. Owen attrapa l'argent, avec un sourire entendu à l'attention du gryffondor. Elliot était une vraie saleté, mais au final, on finissait toujours par s'y attacher.
Il ne fallut qu'une minute pour qu'Owen dépose deux pintes sur le bar, et glisse discrètement à Elliot qu'il apporterait la coupole d'ici deux minutes. Le jeune sorcier se ressaisit, cachant son enthousiasme avec plus qu'application qu'auparavant. Il saisit les deux bierraubeurres, et se dirigea vers une table, ou plutôt, vers la table. Sans même demander à l'unique occupant s'il pouvait s'asseoir, il déposa les deux boissons, et posa ses royales petites fesses sur le fauteuil d'en face. "Bien le bonjour, cher ami !" s'exclama-t-il, avec un grand sourire à l'attention de Jeremiah. "J'espère que je ne dérange pas ! Tu n'attends personne, je suppose ? Enfin, je veux dire, c'est impossible que tu ais réussi à convaincre une fille d'aller prendre un verre avec toi, à moins qu'elle ne soit pas mentalement saine, ou à moins que ce ne soit Alvira, mais cette dernière étant à un dîner entre filles, j'en ai donc déduit que tu étais esseulé." fit-il, d'une tirade, avec un petit sourire satisfait sur les lèvres. Bon Dieu du Quidditch, merci encore. Jeremiah lui avait terriblement manqué pendant les vacances de Noël. Son punching-ball préféré était la parfaite distraction qu'il lui fallait ce soir. Et en réalité, à contrario de ce qu'il venait d'assurer, Elliot espérait que Jeremiah avait un rendez vous galant ce soir. Sa blague n'en serait qu'encore plus drôle.
"Ne me regarde pas comme ça, allez, j'ai bien le droit de payer une bierraubeurre à mon meilleur ennemi, non ? Puisque tu vas bientôt être marié à l'une de mes meilleures amies, il faut bien qu'on commence à s'apprécier." décréta-t-il, feignant de rire devant la tête que tirait Jeremiah. Une fois commencé, rien, non, vraiment rien ne pouvait arrêter Elliot Millard dans ses logorrhées. Devant l'air soupçonneux de Jeremiah, Ely leva les yeux au ciel, feignant d'être amusé. "Et ne t'inquiète pas, je n'ai rien mis dans ta bière va ! Regarde !" Pour appuyer ses propos, il saisit la première bière, en bu une gorgée, puis attrapa la bière posée devant le serpentard, et s'en délecta aussi. Il eut un soupir d'extase, avant de sourire à Jeremiah à nouveau, affichant une rangée de dents blanches. "Voilà !" Franchement, il était fier de lui. Les bières étaient parfaites pour montrer patte blanche. Lorsque les bonbons arriveraient sur la table, apportés, en plus, par la sainte main d'Owen, rien de dissuaderait Jeremiah de plonger la main dedans et d'en gober quelques uns, d'autant plus que les bonbons à hoquet étaient l'exacte copie d'un type de bonbons que l'on pouvait trouver à Honeydukes. "Alors, parlons peu, parlons bien ! Je peux être ton témoin ?"

« Salut Owen. » saluèrent ma bande d’amis à l’instant même où nous avons passé la porte. « Je vous ai réservé votre table préférée, près de la porte. Vous prendrez la même chose que d’habitude ? » s’assura-t-il alors que certains d’entre nous se dirigeait déjà vers leur siège préféré et, dans un cri du cœur, nous répondîmes par l’affirmative. Le barman répétait à voix haute notre commande, soit quatre bierraubeurres. Elles sont une légende. Une légende alimentée par nos habitudes. Chaque samedi soir, Peter, Andrew, la douce Jenna et la sensuelle Mina nous rencontrons au trois balais pour assouvir nos soifs de rires et nos besoins de détente. Nous évacuons les pressions des cours, de nos histoires d’amour bancale, de nos familles envahissantes ou encore, des professeurs trop autoritaire. Parfois, lorsqu’un match de Quiddich fut organisé au cours de la semaine, nous fêtons notre victoire ou noyons notre défaite mais toujours dans des verres de bierraubeurres. Les trois balais est le témoin de nos coups de cœur, nos peurs, nos passions ou nos désillusions. Qui sait ce qu’auraient pu raconter les murs de ce café si réputé ?

« Eh bien les gars, quelle semaine, je suis bien content qu’elle soit terminée » annonça Andrew en s’enfilant quelques bonbons traînant sur la table.

Tandis que mes amis affirmèrent, je posai ma veste en tweed sur le rebord de la banquette où je prenais place. Autour de moi, Peter se plaignait du professeur Isaac, l’accusant d’acharnement contre les Serpentard. Il exagérait mais je n’ai nullement protesté, absorbé par les trottoirs sales dépourvus de neige. Elle est aux abonnés absents.

« Jeremiah ? Ouh ouh…. Je te parle » m’interpela Mina qui balançait devant mes yeux vitreux sa main fine. « Tu es avec nous ? » continua-t-elle.
« Oui ? Quoi ? » bredouillais-je.
« Il est amoureux, laisse-le » me taquina Peter en fixant une table de Gryffondor.
« Ah ah ah. Très drôle», me défendis-je maladroitement, interrompu par le sourire avenant du serveur qui, très habilement, vida son plateau sur la table. Chacun régla sa pinte et, oubliant nos petites querelles, nous avons ri, bu, mangé, bref, nous nous sommes bien amusés.


Le début de soirée s’acheva. Mes acolytes s’enfuirent à d’autres occupations, me laissant seuls à table. Seuls avec un exemplaire de la gazette du sorcier. A la une, toujours les mêmes catastrophes et les mêmes mauvaises nouvelles. Aussi, blasé, je refermai les pages de papier recyclé et, me devançant sur ma prochaine commande, Elliott déposa devant mes yeux ahuris ma boisson favorite. Trop aimable pour être sincère, je l’épiai avec suspicion, le saluant sans grand enthousiasme.

« Esseulé ? Cela nous fera un point commun. » répliquais-je en jetant quelques regards entendus à sa droite comme à sa gauche. « Sauf que ton cas empire, mon AMI » soulignais-je mesquinement « Je n’en suis pas au point de vouloir passer la soirée avec toi. Nora m’attend. Alors, fais vite, qu’est ce que tu veux ? »

Me redressant, j’ai croisé les bras, signifiant qu’il n’était pas question qu’il s’attarde trop, a moins d’une révélation croustillante ou intelligente s'il en est capable. D’ailleurs, je repoussai, à contre-cœur, la bierraubeurre qu’il m’offrait si gentiment. J’étais bien trop méfiant pour y goûter et Dieu seul de quel poison elle est agrémentée. Non dupe, Elliot m’assura dans une gorgée bien pleine que son cadeau était sain, je la refusai tout de même polimen.

« c’est très aimable mais, comme je ne me marierai pas avec Alvira, nous ne sommes pas obligé de trinquer. Et tout ça ne me dit pas ce que tu me veux. » le rabrouais-je avec humeur. « Fais vite, je suis pressé ».

Je n’osais détourner le regard. Aussi, je me voulais insistant. Un œil franc vers Owen qui, soit dit en passant se dirige vers notre table, et je risquais de fumer des oreilles par l’effet d’une potion de Pimentine. Non. Il valait mieux remercier le serveur d’un signe aimable de la main plutôt que prendre le risque de ruiner ma soirée. Elle avait trop bien commencé et cet intermède ne gâcherait rien.

Instinctivement, je ramassai dans la soucoupe l’un des bonbons justement déposé par le serveur et, tandis que j’entrepris d’effeuiller l’emballage, je ris de bon cœur. Le témoin ? La bonne blague. Même s’il y avait mariage, mon père a certainement déjà désigné l’heureux gagnant à la table d’honneur.

« Oh oui. Bien sûr, tu pourras être le témoin. Tu peux même être le marié si tu le souhaites… » conclus-je en riant et en avalant la sucrerie au goût nouveau. Sucré, léger, un arrière goût de miel, il était délicieux. J’en repris même un autre. « Je t’assure. Je te laisserrr .... hic …. »

Impossible de continuer. Mon estomac se tort. Je sens le piège et, sans oser regarder mon assaillant, je sers déjà les points de colère. J’aimerais lui demander ce qu’il m’a fait mais, les mots meurent dans un terrible hoquet. Je suis rendu muet sans connaître avec exactitude la durée des effets de…. de..... euh.... de quoi ? Que m'a-t-il donné ? Et puis, je n'ai rien mangé venant de sa part. Mystère. J’ai mis ma main devant ma bouche, je l’ai foudroyé du regard et entre deux sursauts, je le traitai d’ordure. J’étais ridicule. Toutes les tablées m’observaient du coin de l’œil. Je devenais rouge de honte et incontrôlable, ce hoquet m'agite de soubresaut et taper sur la table n'y changerait rien.

En effet, Jeremiah paraissait plutôt tatillon par rapport au fait de passer une soirée ensemble. Pas de risque pour cela - Elliot ne pensait pas s'éterniser auprès de son 'ami'. L'air suspicieux que ce dernier portait sur son visage était absolument délicieux. Il fit une remarque par rapport au fait qu'Elliot se trouvait seul, remarque par laquelle le jeune gryffondor répondit par une mine faussement vexée. Il n'était pas vraiment seul, c'est juste que,... un effroyable concours de circonstances,... mais c'était vraiment exceptionnel, car d'habitude... Bon, OK, il était seul, aussi pitoyable que cela puisse être, il était seul, un samedi soir. « Je n’en suis pas au point de vouloir passer la soirée avec toi. Nora m’attend. Alors, fais vite, qu’est ce que tu veux ? » Les yeux d'Elliot se mirent à pétiller alors que Jeremiah mentionna Nora. Il eut un petit sourire en coin, et posa ses coudes sur la table, se rapprochant de Jeremiah pour montrer son intérêt. "Ah, Nora ! Elle arrive quand ? Enfin, je veux dire, ça fait longtemps que je ne l'ai pas vue, tiens." fit-il, avec une lueur d'envie dans la voix, et à ce moment précis, son regard se perdit dans le vague. Il repensa à la dernière fois qu'il avait croisé Nora, c'était il y a trois semaines, après ce match de Quidditch... Oh, Nora lui faisait presque apprécier les matchs serpentard/gryffondor plus que n'importe quels autres. "C'est quand le prochain match serpentard/gryffondor, d'ailleurs ?" fit-il, nonchalamment. Cette question, il aurait certainement dû se la poser intérieurement. Mais c'était trop tentant que de narguer Jeremiah avec cela - après tout, il fallait bien qu'Elliot puisse se vanter de coucher avec la meilleure amie de son ennemi de temps à autres.
« Oh oui. Bien sûr, tu pourras être le témoin. Tu peux même être le marié si tu le souhaites… » Ely haussa un sourcil. Alors comme cela, Jeremiah pensait désobéir à son cher père... Voilà qui était inattendu. Le jeune gryffondor laissa échapper un petit rire, assez mesquin il fallait l'avouer. "C'est gentil de proposer, mais je laisse Alvira à tes bons soins. Je suis plus branché par les midinettes de serpentard,... tu sais, les filles dans ton genre." fit-il, avec un petit sourire entendu, sur le ton de la rigolade. Ah, ce que c'était petit... Il faut avouer qu'Elliot n'était pas en grande forme ce soir. La remarque sur son caractère esseulé l'avait réellement vexé, il était obnubilé par le fait qu'il n'avait qu'un serpentard pour égayer son samedi soir, et, ô, Dieu du Quidditch, c'était bien triste. Aussi bien, sa répartie était plate, digne d'un élève de troisième année. Traiter Jeremiah de fille, oh, que c'était malin. Ely toussa pour faire oublier cette réplique immature.
Cependant, il n'eut pas besoin de dévier le sujet de conversation - Jeremiah le fit très bien tout seul. « Je t’assure. Je te laisserrr .... hic …. » Le rouquin regarda son cher ennemi serrer des poings, s'énerver, et se délecta de l'incompréhension qui pouvait se lire dans son regard. Ah, ce cher Jeremiah... Elliot tenta de se retenir de rire, jouant le calculateur froid qui n'oserait montrer sa satisfaction. Il résista cinq secondes, après quoi il explosa de rire, aussi secoué que l'était Jeremiah. L'un hoquetait, l'autre se pliait en deux. C'était merveilleux, exaltant. Jeremiah était tellement suspicieux à son égard qu'il en avait refusé l'offre d'une bierraubeurre non truquée, mais avait plongé dans le piège la tête la première.
Le jeune homme entendit une insulte, tout le monde les regardait, mais il n'en avait que faire. La rivalité qu'il y avait entre lui et Jeremiah durait depuis trop longtemps pour que quelques regards agacés lui ôtent le plaisir de voir son ennemi mort de honte. Il se reprit petit à petit, son fou rire passant. Elliot poussa la bière vers Jeremiah, prenant son air innocent. "Tu devrais boire un coup Jimmy, ça va passer. Tu as surement dû avaler un bonbon de travers." Cependant, il faudrait bien plus qu'une gorgée de bière pour que l'effet passe. Deux à trois minutes qu'ils disaient, sur le paquet de bonbons. Il espérait que Zonko ne l'aurait pas roulé sur ce coup.
Ely s'attendait à une cascade d'insultes, à moins que Jeremiah n'arrive à garder une certaine contenance. Le rouquin se renfonça dans son fauteuil, croisant les bras, prêt à faire face à la furie de son meilleur ennemi.

En réalité, Eliott ne me dérangeait pas. J’avais, en tout et pour tout, une bonne heure à tuer et, je l’avoue, la lecture d’un journal ne m’emballait guère. L’unique problème à sa présence est ma méfiance. A moins de n’être l’instigateur de notre prochaine bataille – ce qui n’est à présent pas le cas – je me dois d’observer chacun des gestes de mon meilleur ennemi. Plus encore, j’analyse son sourire ou ses mots. C’est épuisant et ma seule consolation à entretenir cette relation masochiste n’est autre que la réciprocité. Répondre à ces railleries par d’autres n’est qu’un prélude. En effet, les règles de notre jeu est d’une simplicité enfantine. Si, ce jour, il me piège, demain, je renverrai la manivelle. Alors, comme moi aujourd’hui, c’est lui qui surveillera ses arrières. Il m’épiera anxieux et, bien entendu, c’est lorsqu’il oubliera mon existence que je frapperai le plus fort. Aucune paranoïa, juste de la prudence, des farces en tout genre et des joutes verbales. Rien de plus, rien de moins, sauf peut-être titiller, parfois, la fierté de l’un ou de l’autre à propos de ces femmes radicalement opposées qui partagent nos vies. Qu’il s’agisse d’Alvira – ma promise et son amie – comme de Nora – Son amante et ma meilleure amie – chaque allusion à ces êtres chers n’est qu’une amorce. Il me parle d’Alvira, je cite Nora. Il réplique, j’en rajoute et vice versa. Cela devrait se limiter à ça. Or, la relation qu’entretienne le gryffondor et ma plus chère amie n’est en rien comparable celle que je partage avec Alvira. Elle et moi nous supportons à peine, tandis que la serpentard et le farceur s’acoquine en privé à des jeux de mains risqué pour le cœur de la jeune femme. J’ai peur. Peur de la voir souffrir et peur que disparaisse de ma vie la fantaisie d’Elliott. Je regrettai donc d’offrir à ce dernier le prénom de Nora en pâture. Car, bien entendu, il insinue et intérieurement, je bous.

« J’ai dit » repris-je moqueur « J’ATTENDS Nora. Elle ne viendra pas, tu ne la verras pas et… » l’avertis-je légèrement courroucé par le timbre de voix de mon interlocuteur. J’y reconnaissais le ton agaçant de la convoitise. « Et c’est très bien comme ça, match de quiddich ou non. » ajoutais-je en l’empêchant de détourner la conversation. S’il n’était la pour se venger - ce dont je finissais par douter – que me voulait-il exactement ? Je m’impatientais et Cleo, mon fléreur tapi sous la table, hérissait du poil. Je revins donc sur Alvira, lui proposant la place du marié plutôt que celle du témoin. Malheureusement, bien que cette utopie ne soit réellement envisageable, il ne refusait mon offre. J’haussai donc les épaules, esquissai un sourire de désolation en proclamant que : « C’est bien dommage. Elle est pourtant jolie. Aussi jolie que Nora… »

Démarche inutile, il préférait les « filles » dans mon genre. Quelle puérilité. Il me décevait et hilare, j’ai riposté en soulignant son manque de maturité.

« Ely. Ely. Non ! » le narguais compatissant « C’est donc ça que tu voulais me dire ? Aie. Je suis désolé. Je ne mange pas de ce pain la »

Je sais. Je ne rehausse pas le niveau de cette conversation mais, c’était si tentant que j’en devins hilare. Hilare et assez nonchalant pour baisser ma garde. J’avale avec gourmandise les bonbons ingurgités plus tôt et je suis pris d’un hoquet me privant de la parole. Seule une insulte peu compréhensible s’échappa de mes lèvres dissimulées par une main tremblante de colère. Il m’a bien eu et aussi infantile soit notre discussion à couteaux gentiment tirés, il faut admettre qu’il a gagné. Sous le joug de son fou-rire, ma fierté en crève de douleur. Alors que faire à part répondre à son conseil en me rinçant le gosier. Je saisis donc la pinte et avalai une grosse gorgée qui n’eut pour désagréable avantage que me tordre l’estomac. J’ai bu trop vite. Beaucoup trop vite et mon hoquet omniprésent accentue la douleur de mon estomac. Instinctivement, je posai ma main libre sur mon ventre, redéposant sur la table de bois un verre à moitié vide. Ma coupe, quant à elle, est à moitié pleine. Un éclat de rire supplémentaire et je ne jurerai plus de rien. Je sortis ma baguette de ma poche et la pointai sur Elliott. J’aurais pu m’en servir mais Owen, spectateur privilégié de notre querelle, me rappela à l’ordre :

« Range moi ça tout de suite gamin. Tu pourrais blesser quelqu’un…. »

Je m’exécutai et par chance, mon adversaire de toujours se détendit un peu et, si j’étais toujours au cœur de tous les regards, je ne m’en inquiétais plus. Entre deux protestations de mon estomac, une irrésistible envie de rire me submergea. La blague était bonne et, bon joueur, j’étais pressé d’apprendre les ficelles de ce tour de maître. Il doubla ma méfiance et plaçait la barre haute. J’en passe du rire aux larmes durant plus de trois minutes. Trois minutes pour que passe les effets du sort – du moins je le présume – qu’il m’a lancé. Trois petites minutes qui me parurent des jours. Quelle paradoxale expérience. Je m’en libère peu à peu, essuyant les prémices des larmes de mes éclats de rires douloureux.

« Tu n’es qu’une petite ordure Millard. Une sale petite ordure…Mais, ce n’est pas fini…. » chuchotais-je pour que nul n’entende ma rancœur. Assez pour ma vanité, elle a déjà trop souffert. « Mais c'est pas grave. Je t'aurai au tournant....et surtout, ne t’approche plus de Nora. Tu ne la mérites pas… »

Elle n’avait rien à voir avec les faits. Absolument rien à voir. Nous dirons donc qu’il s’agit d’une défense vaine semblable à la ridicule comparaison d’Ely concernant mon « genre ».

« C’est bien dommage. Elle est pourtant jolie. Aussi jolie que Nora… » Elliot haussa un sourcil. Pour sûr, Alvira était jolie, et de surplus avait un charme incontestable. Que Jeremiah l'admette ne causait aucun souci à Ely. Que le joli minois d'Alvira ne suffise pas pour que le jeune homme accepte de la marier était plutôt rassurant sur les critères de son interlocuteur. Cependant, la comparaison avec Nora le troublait. Qu'est ce que cela sous-entendait ? Bien sûr, ils venaient de parler de la demoiselle, cependant, s'il sous-entendait que étant donné que les qualités physiques d'Alvira égalaient celles de Nora, Elliot aurait du s'éprendre aussi de cette première, il se trompait. Si Jeremiah cherchait, en essayant de pousser Elliot dans les bras d'Alvira, un quelconque moyen d'échapper à son mariage, il lui faudrait mieux chercher un plan B dès maintenant. Cependant, Elliot se demandait si c'était bien ce que Jeremiah sous-entendait - souvent, ce dernier était difficile à saisir. A cette question, le rouquin ne trouva aucune réponse, et il ne s'attarda pas à étudier les déblatérations du serpentard. « C’est donc ça que tu voulais me dire ? Aie. Je suis désolé. Je ne mange pas de ce pain la » A cette remarque distrayante, le gryffondor ne répondit que par un rire, relativement ironique. Après tout, il l'avait bien mérité. Sa remarque était du même niveau que celle qu'il avait eut précédemment : bête et puérile. Le rouquin feignit par la suite la déception, lança un regard désespéré à son acolyte. Cette conversation, ô combien intelligente, fut néanmoins interrompue par la blague d'Elliot, à laquelle Jeremiah réagit d'une façon plutôt échauffée.
Alors que ce dernier pointait sa baguette sur le gryffondor, celui ci ne bougea pas. Il ne prit même pas la peine de glisser sa main jusqu'à sa propre baguette, certain que Jeremiah, bien que sous le coup de la colère, n'irait pas jusqu'à lui jeter un sort. Ce n'était pas digne de lui, ce n'était pas digne d'eux. Cela aurait brisé le pacte implicite qu'il y avait entre eux : que des blagues, et uniquement des blagues en représailles. Ni lui, ni Elliot ne pouvait se venger par un sort. Il faudrait préparer sa revanche, faire languir l'autre. C'était les règles. Ainsi, enfoncé dans son fauteuil, il se contenta de lancer un regard d'avertissement à Jeremiah, qui semblait crever de rage mêlé à de la honte. « Range moi ça tout de suite gamin. Tu pourrais blesser quelqu’un…. » Oh, Owen... Combien de fois encore, devrait-il sauver les fesses d'Elliot ? A la sainte parole d'Owen, Jeremiah s'exécutait, reprenant enfin ses esprits.
Et alors, enfin, il se mit à rire. Secoué de hoquets, il riait, et Elliot se joint à lui. Les minutes passèrent, et finalement, Elliot se calma, secouant la tête comme s'il se demandait si, un jour, ils allaient arrêter leurs bêtises. Il aurait aimé se persuader que oui, cependant, cela lui paraissait improbable. Ils n'étaient pas du même monde. Ce qui était probable était, qu'un jour, leurs blagues se changeraient en sortilèges impardonnables. Elliot avait beau haïr ceux de la race de Jeremiah, cette perspective lui donnait des frissons, d'autant plus qu'il risquait de perdre Alvira si jamais ce mariage avait lieu.
Chassant de son esprit ces pensées, Jeremiah prit la parole. « Tu n’es qu’une petite ordure Millard. Une sale petite ordure…Mais, ce n’est pas fini…. » A ces menaces, le rouquin sourit de plus belle. La perspective d'une vengeance le rendait joyeux. Oh, Elliot n'était pas masochiste, cependant, après la blague de Jeremiah, ce serait à nouveau à son tour, et son esprit regorgeait de plans tortueux.
« Mais c'est pas grave. Je t'aurai au tournant....et surtout, ne t’approche plus de Nora. Tu ne la mérites pas… » Elliot fronça les sourcils, prenant surement plus au sérieux cette remarque qu'elle n'aurait dû être prise. Scrutant Jeremiah un instant, il finit par détourner le regard vers les passants qu'il pouvait apercevoir à travers la vitre des trois balais. Prenant son temps, le gryffondor attrapa sa bière, en prit quelques gorgées, pour s'hydrater après cette quinte de rire. "Ce n'est pourtant pas ce qu'elle semble penser lorsqu'elle crie mon nom." finit-il par dire, d'un ton neutre, bien que sa phrase soit terriblement arrogante, et certes, un peu osée. Cependant, le gryffondor n'était pas connu pour sa retenue légendaire. Elliot, par ailleurs, ne faisait que remarquer ce qui était évident. C'était véridique : jamais il n'avait forcé Nora à quoique ce soit, la demoiselle était plutôt consentante.
Il ne mettait même pas en question le fait qu'elle valait mieux que lui, bien que, de son point de vue, ce n'était pas le cas. Nora n'était qu'une fourbe jeune fille aux agissements douteux. C'était triste à dire, mais elle ne valait pas grand chose aux yeux de Millard, qui était seulement admiratif de sa hargne sur le terrain de Quidditch. Cependant, jamais ce dernier n'arriverait à faire comprendre cela à Jeremiah, qui était bien trop partisan dans l'histoire - voilà pourquoi il s'était retenu de faire une remarque mesquine sur ce que Nora valait réellement. "Jimmy, ne fais pas cette tête. Tu croyais vraiment que tes petites menaces suffiraient ?" demanda-t-il, laissant échapper un petit rire afin de détendre la conversation, bien que ce rire sonna on-ne-peut-plus faux. Si quelque chose pouvait dissuader Elliot d'aller à la rencontre de Nora après chaque match de Quidditch entre leurs deux maisons, ce n'était surement pas Jeremiah. La seule personne capable de dissuader Elliot était, sans aucun doute, Charles, surtout après l'ultimatum qu'elle lui avait imposé quelques jours auparavant. Le rouquin en frissonnait encore, elle hantait ses nuits, et Nora face à elle n'avait aucune chance.
"Allons, tu me connais mieux que ça. Tu vois, de mon côté, j'aurai pu te dire que si jamais je vois pleurer Alvira à cause de toi, je te donnerais en pâture à un dragon, mais je ne vois aucun intérêt de le faire, puisque c'est assez implicite, et qu'tu le sais déjà." déclara-t-il, hochant la tête comme si c'était une vérité irréfutable. D'ailleurs, c'était véridique - si jamais Elliot entendait ne serait-ce qu'une plainte de la part d'Alvira, Jeremiah était un homme mort.