I still believe the best is yet to come [R.]

Et voilà. Le grand jour était enfin arrivé. Noël et son intarissable bal avaient le don d’exciter la plus grande partie des élèves, le château tout entier se trouvait en effervescence à cette période de l’année. Ce qui paraissait à moitié inconvenant quand on y réfléchissait bien. Dehors la guerre faisait rage, des dizaines voire des centaines de sorciers périssaient chaque mois dans des duels acharnés destinés à faire valoir leurs droits magiques. Qui était assez fou pour se délecter d’une telle actualité ? Le Seigneur des Ténèbres, bien sûr. Sans compter ses innombrables serviteurs qui résidaient à Poudlard. Se satisfaire du malheur des uns afin de solliciter le bonheur des autres avait quelque chose de pas mal tordu. D’accord les festivités de fin d’année demandaient un certain enthousiasme des foyers sorciers comme moldus mais il fallait être sérieusement amoché psychologiquement pour désirer festoyer dans de pareilles conditions. De toute manière par temps de crise ou d’explosion de joie, Dustin ne ressentait jamais le besoin ou l’envie de participer à ces cérémonies où seuls les plus écervelés s’amusaient. A part boire à l’excès et se remplir la panse à en vomir, le jeune homme ne trouvait aucun réel plaisir à tirer de ce genre de soirées. De plus, les gens s’avéraient encore plus niais qu’habituellement. A cette occasion, les boulets se ramassaient hélas à la pelle. Ce qui le répugnait davantage ce n’était pas tant cette atmosphère nauséeuse qui, si elle avait pu porter une couleur aurait probablement revêtu un habit rose bonbon, mais plutôt cette bêtise humaine franchement évidente. Se frayer un chemin parmi des élèves déments ne facilitait pas la recherche d’équilibre. Entre les pleureuses qui se bousculaient dans les escaliers après avoir été lâchement abandonnées par leurs cavaliers – sans compter celles qui étaient contraintes de ne pas quitter leurs chambres car personne ne les avait invitées et qui, par conséquent, formaient le club très soudé et fermé des rebuts délaissés sur le banc de touche – et les pauvres types impressionnées et émus à l’idée de faire danser une fille, le jeune Serpentard n’était plus trop sûr de vouloir contribuer à cette mascarade.

Pourtant, et même si l’envie de déguerpir rapidement le démangeait encore présentement, il avait répondu présent à cet appel annuel. Non pas pour lui, encore moins pour tous ces adolescents maquillés et déguisés comme des clowns, mais plutôt pour une jeune femme qui – il était certain – saurait apprécier l’effort péniblement fourni. Il pouvait facilement accepter que d’autres élèves soient suffisamment simples d’esprit pour prendre plaisir à ces âneries, en revanche la pilule avait été difficile à avaler concernant sa meilleure amie. Il est vrai que, parfois, il en oubliait presque qu’elle était une jeune femme et que logiquement, se parfumer et glousser bêtement à l’écoute d’une chanson jouée par le groupe embauché pour l’événement devait lui plaire.

Les petites réjouissances avaient déjà débutées lorsque le Sorcier prit place à l’entrée de la Grande Salle devant laquelle le rendez-vous avait été fixé. Lui qui pensait s’être mis en retard à cause de la démarche lente qu’il avait utilisé pour se traîner jusqu’ici, il était surpris de constater que la Serdaigle ne s’était toujours pas montrée. Peut-être était-ce un signe indistinct qui lui ordonnait de rebrousser chemin ? Il n’eut guère le temps de se pencher davantage sur la question car déjà une fine silhouette familière s’élançait gracieusement dans l’escalier et se dirigeait dans sa direction. Le choix de la tenue était excellent, elle méritait un 20/20. Son maquillage était irréprochable. Quant à sa coiffure, pas un cheveu ne semblait disposé à lui désobéir. Daisy était à couper le souffle. D’ailleurs, il s’en voulut presque de ne pas avoir cherché plus que cela à arranger ses nombreuses boucles indomptables qui vivaient pleinement leur vie sur sa petite tête brune. Néanmoins, il fut étrangement fier d’avoir gaspillé plusieurs des gallions de son père dans un costume de soirée qu’il ne remettrait probablement plus. Ces vêtements avaient beau valoir la peau des fesses étant donné leur matière de fabrication, ils n’en restaient pas moins que des bouts de tissus aux yeux du jeune homme. « Je suis à la recherche de mon amie, Daisy Stockton, vous ne l’auriez pas vu ? » La taquina-t-il lorsqu’elle fut arrivée à sa hauteur. « Plus sérieusement, tu es diablement séduisante. » Avoua-t-il aussitôt sincèrement. Il n’était stipulé nulle part dans le contrat que l’éloge était obligatoire, il avait simplement jugé bon de lui faire un compliment qu’il pensait réellement. Au moins il était sûr d’une chose, avec la jeune femme à ses côtés il n’aurait plus l’air d’un manchot solitaire et visiblement mal à l’aise dans sa peau, ou tenue en l’occurrence. Il lui tendit son bras plié afin qu’elle glisse dans l’espace le sien. « Je te préviens, il est hors de question que je me tortille maladroitement au milieu de ces péquenauds. » D’accord c’était plutôt lui qui avait de fortes chances de paraître pour un plouc malhabile lorsqu’ils se lanceraient dans leur première danse, mais il possédait une fierté suffisamment grande pour ne pas avouer que ses pieds étaient seulement doués pour marcher ou éventuellement courir.

Ce n’est un secret pour personne lorsque l’on dit que Daisy Stockton n’est pas la plus agréable des demoiselles de Poudlard. La jeune fille est généralement qualifiée comme étant hautaine et vicieuse, ce qu’elle considère comme étant un compliment puisqu’elle à toujours cherché à se faire craindre et respecter par ses camarades ou plutôt chez les filles. Et tout les jours de l’année, sans exception, elle trouvait toujours une nouvelle élève à torturer. Mais s’il y a bien une époque de l’année où l’on peut profiter de la bonne humeur de la Serdaigle c’est bien durant le bal de Noël. En effet, durant cette période, Daisy se montre plus douce et ressemble à toutes les autres jeunes filles de son âge dont elle se rapproche pour l'occasion afin de papoter sur les tenues qu’elles porteront ou bien leurs cavaliers. Elle devait l’avouer, partager des moments aussi simples la rendait heureuse. Depuis des mois elle avait choisi sa tenue et comptait bien être la plus resplendissante lors de l’événement. Son cavalier, elle n’avait pas à trop y réfléchir puisqu’il avait été prévu que Dustin l’accompagne à ce bal – non sans quelques négociations. Voilà donc la jeune demoiselle, prête à vivre une soirée inoubliable, elle allait tout faire pour ça.

C’est une robe noire et assez simpliste qu’elle avait choisie, inutile d’aller chercher quelque chose de trop extravagant. Là encore, ce choix avait été fait par rapport à son cavalier. Toute sa tenue, de ses cheveux, jusqu’au bout de son ongles vernis en rouge avaient été sélectionnés à son cavalier. Bien sûr, elle savait que techniquement, Dustin n’était que son meilleur ami, d’ailleurs les autres élèves murmuraient entre elles qu’il était triste de la voir aller au bal avec un ami plutôt que d’un éventuel prétendant. D’ordinaire, Daisy n’aurait pas hésité à les remettre en place mais pas ce soir. Trop occuper à s’examiner une dernière fois devant le miroir, elle esquissa un sourire et se jugea parfaite pour rejoindre le serpentard. La demoiselle tenta de canaliser sa joie alors qu’elle descendait l’escalier qui la conduirait vers Dustin, qui l’avait déjà repéré. Elle se concentra surtout pour ne pas tomber et avoir l’air d’une cruche devant les quelques élèves présents mais une fois près de lui, rien n’aurait pu la préparer au compliment qui allait suivre. Elle asséna un léger coup de poing sur l’épaule de Dustin avant de se figer lorsqu’il la qualifia de ‘diablement séduisante’. Se rendait-il compte à quel point il lui donnait de l’espoir au sujet de leur relation ? Daisy tourna la tête afin qu’il ne la oit pas rougir. Elle se place devant le jeune homme puis l’examina de la tête aux pieds. «Il faut bien que je relève le niveau de notre duo » fit-elle avec un sourire en coin alors qu’elle faisait quelques arrangements sur la tenue du jeune homme en réajustant son nœud papillon puis en essayant, en vain, de faire quelque chose à propos de ses cheveux. «C’est mieux» lança-t-elle avec entrain avant de passer son bras autour de celui de son ami.

Alors qu’il s’avancèrent vers la grande salle, Daisy laissa échapper un rire lorsqu’il tenta de la mettre en garde : il ne danserait pas. Si seulement il savait. «C’est ce que tu crois mon cher. » A nouveau elle se place devant lui puis se mettant sur la pointe des pieds, elle passa son bras autour du cou du jeune homme et lui murmura «Ce soir, tu es à moi. » fit-elle avant de croiser son regard avec un sourire mi-ange, mi-démon.

Dustin n’était pas vraiment certain d’être en mesure d’apprécier une seule seconde de cette soirée organisée pour les plus simples d’esprit d’entre eux. Néanmoins, la présence de son amie à ses côtés rendait la tâche grandement moins pénible si ce n’était plus agréable. La raison de sa venue ici et de son accoutrement se trouvait juste devant ses yeux azur. L’hiver était encore solidement installé en Grande-Bretagne et pourtant, ce soir, le printemps avait comme montré une minuscule forme de vie. Daisy était resplendissante – d’ailleurs, il n’avait jamais douté de sa beauté –, ses longs cheveux sombres l’avaient toujours plus ou moins attiré d’une manière indescriptible. Oui, vraiment, la Serdaigle inondait le Hall tout entier d’une lueur hypnotique et fortement attrayante, le plongeant lui comme beaucoup d’autres garçons certainement dans une sorte de léthargie soumise. Daisy était son amie la plus fidèle, et probablement l’unique, depuis toujours. Jamais il n’avait envisagé une relation « différente » pour tous les deux. Jamais ses yeux ne s’étaient discrètement posés sur elle afin de la contempler intégralement. Enfin, peut-être était-ce là sa vision des choses. Peut-être même que la vérité était tout autre. Il n’en avait aucun souvenir, simplement parce qu’il n’était pas le genre de garçon à retenir des détails pareils, mais sans doute l’avait-il au moins une fois déjà désiré du regard dans sa vie. Si son esprit semblait maintenant amnésique, nul doute que l’été lui rafraichirait indiscutablement la mémoire. Sa chevelure constamment détachée, ses tenues pour la plupart en parfait accord avec le climat du moment, les rares fois où le Soleil daignait montrer le bout de son nez ; il faudrait être aveugle pour passer 365 fois par an devant la Sorcière sans jamais lui adresser une attention intéressée.

« Tu insinues que mes efforts sont insuffisants ? » S’offusqua-t-il faussement dans un léger soupir, comme si le fait de ne pas être parfait l’affectait tristement et le décevait d’une quelconque manière. Ne pouvant décemment pas se crisper et serrer les poings sans risquer de passer pour un malade lorsque la jeune femme s’affaira à vainement arranger son apparence, les organes du Serpentard se tortillèrent nerveusement à l’intérieur de son corps tant être tripoté de la sorte lui paraissait désagréable. Daisy savait pertinemment à quel point il détestait être touché et s’en prendre de cette manière à sa masse de cheveux aurait pu pratiquement lui coûter la vie, enfin en cette période de fin d’année la sentence aurait été moindre ; la repousser brusquement aurait suffit. Mais il n’en fit rien et s’octroya même un sourire qui manqua de lui faire exploser une veine artérielle au passage.

Ils effectuèrent quelques pas vers l’avant qui les conduisirent aussitôt à l’entrée de la Grande Salle où la musique battait déjà son plein. Alors qu’il venait seulement de se faire à l’idée de l’avoir à son bras, l’étudiante se libéra de son étreinte pour venir se placer devant lui. Il demeura immobile lorsqu’elle réduisit considérablement la distance imposée entre leurs deux corps. De toute évidence, il ne s’y était pas suffisamment préparé. Pourtant, il savait très bien que la manœuvre même qu’exigeait une danse se résumait en premier lieu à un contact physique. « Tu sembles bien sûre de toi Stockton. » Répondit-il avec une once de taquinerie dans la voix. Sans pour autant se défaire de la posture qu’avait un peu plus tôt imposé la Serdaigle, Dustin se recula progressivement vers la foule agitée qui se trémoussait avec énergie en l’attirant doucement dans sa direction. La musique diffusée dans l’air n’allait hélas pas de paire avec la position qu’ils avaient adopté quelques secondes plus tôt, c’est pourquoi le jeune Sorcier se saisit subitement de la main qui encerclait jusqu’alors sa nuque et se servit de cette dernière pour faire tourner Daisy sur elle-même avec agilité. Elle voulait le voir danser ? Elle n’allait pas être déçue du voyage.